J.Y. Rolland, Tue 03 June 2025, categorie Autre
Le 3 juin 2025 de 15h à 18h
UFR Santé – 19 rue Ambroise Paré – Besançon
Le réseau RDI BMB organise son meeting annuel sous forme d'un workshop en partenariat avec le CHU et l'UFR Santé sur les problématiques d'interdisciplinarité bio-maths-info dans le domaine de la santé.
L'inscription est gratuite mais obligatoire : Lien d'inscription.
Avec le changement climatique, une gestion raisonnée des ressources en eau devient cruciale pour l’irrigation. L’usage des eaux usées traitées s’impose en agriculture, mais les effets de l'ingestion de légumes irrigués par ces eaux sur le microbiote intestinal et la résistance aux antibiotiques restent inconnus. Il est donc crucial d’évaluer l’impact de la consommation de légumes irrigués par ces eaux, potentiellement enrichis en antibiotiques et en gènes de résistance. Ces traces d’antibiotiques pourraient perturber l’équilibre bactériens dans les biofilms microbiens intestinaux, fragilisant une barrière naturelle contre les infections et favorisant l’émergence de pathogènes résistants.
Pour répondre à cette problématique, l’ANR/INSERM finance le projet MEHTA (« Managing Environmental Hotspots and Transmission of AMR ») dans le cadre de France 2030, un programme de recherche prioritaire dédié à la résistance aux antibiotiques. Notre approche s’appuie sur un modèle innovant, combinant des essais in vitro sur des biofilms intestinaux et une préculture en chémostat. À partir de fèces humaines, le microbiote intestinal est cultivé dans un bioréacteur sur des billes d’agarose-gélatine, puis exposé à de faibles concentrations d’antibiotiques ainsi qu’à des bactéries multirésistantes. L’impact de ces expositions sur le microbiote intestinal et sur le transfert horizontal de gènes de résistance est évalué à l’aide de cultures, de qPCR et d’analyses métagénomiques. Nos premiers résultats suggèrent qu’une souche pandémique comme E. coli ST131 CTX-M ne parvient pas à coloniser un biofilm intestinal mature non perturbé, stabilisé en chémostat pendant sept jours. En revanche, une exposition à 50 µg/L de ciprofloxacine facilite son implantation au sein du microbiote.
Ce nouveau modèle in vitro permettra de tester d'autres conditions en laboratoire, notamment pour évaluer les effets de cocktails d’antibiotiques sur l’invasion du microbiote intestinal par diverses souches bactériennes pathogènes.
De nombreuses régions du monde deviennent plus arides en raison du changement climatique, ce qui limite la production agricole et menace la sécurité alimentaire. En réponse à cette crise, le recyclage des effluents des stations d'épuration pour l'irrigation des cultures suscite un intérêt croissant. Toutefois, on craint que l'irrigation à l'aide d'effluents d'eaux usées n'entraîne des contaminants chimiques et des bactéries résistantes aux antibiotiques dans les systèmes de production végétale, augmentant ainsi la probabilité d'une exposition humaine par le biais de la consommation d'aliments d'origine végétale. L'irrigation avec des effluents pourrait également augmenter la charge de gènes de résistance aux antibiotiques dans les sols et sur les légumes, pouvant ainsi potentiellement favoriser le transfert horizontal de gènes.
Dans ce contexte, différentes expériences en serres ou en extérieur visant à évaluer ces risques ont été conduites. Des tomates, des radis et des roquettes ont été cultivés et irrigués avec des effluents. Les enjeux principaux liés à la réutilisation des effluents sont (i) de déterminer la concentration de bactéries marqueurs de la contamination fécale et de la résistance aux antibiotiques dans les effluents, (ii) de déterminer si les légumes sont contaminés par des bactéries pathogènes et/ou résistantes aux antibiotiques (méthodes culturales), (iii) de déterminer la quantité de gènes de résistances présents sur les légumes ou dans les sols.
Le microbiote intestinal, principalement situé dans le côlon, est impliqué dans un dialogue complexe avec l'épithélium du gros intestin. Ce dialogue permet la mise en place de processus régulateurs importants pour la santé et le bien-être de l'hôte. Les déséquilibres des populations microbiennes, appelés dysbioses, sont liés à plusieurs pathologies. Par conséquent, il est essentiel de comprendre l'écologie bactérienne intestinale. En particulier, les mécanismes spatio-temporels peuvent induire des interactions entre les communautés bactériennes et influencer la colonisation du côlon. L'enjeu de ces recherches est de fournir des modèles mathématiques et des approches numériques efficaces afin de mieux comprendre ces interactions.
Concrètement, nous présentons un modèle mathématique du microbiote intestinal dans son environnement fluidique. Ce modèle est basé sur le couplage explicite d'un modèle dynamique de populations microbiennes impliquées dans la dégradation des fibres avec un modèle de dynamique des fluides du contenu luminal. Cette approche de modélisation permet d'étudier les principaux facteurs à l'origine de la structure spatiale du microbiote, en mettant l'accent plus particulièrement sur l'apport de fibres alimentaires, la motilité épithéliale, la capacité des microorganismes à se déplacer par chimiotactisme et les gradients de viscosité dans le tube digestif.
Cette approche de modélisation permet de mettre en évidence plusieurs effets. Premièrement, les gradients de viscosité permettent la création de niches favorables à proximité de la couche de mucus. Deuxièmement, une très faible nage active microbienne dans la direction radiale suffit à promouvoir la croissance bactérienne. Enfin, la quantité de fibres dans le bol alimentaire et la motilité épithéliale jouent un rôle essentiel dans la colonisation des différentes parties du colon.